Les enseignes d’habillement à la recherche du bon sourcing

Les enseignes d’habillement à la recherche du bon sourcingLes soldes d’hiver 2015 n’ont pas fait recette. La faute aux attentats ? Pas seulement. Le pouvoir d’achat en berne et les nouvelles habitudes de consommation sont également en cause et conduisent les enseignes d’habillement à revoir leur stratégie d’approvisionnement.

Choisir le bon sourcing est devenu crucial pour réduire les coûts, dynamiser l’offre et optimiser la marge finale.

Le point avec Nicolas Huault, Directeur associé Finance advisory – groupe IENA

Les soldes – désormais sur six semaines avec la suppression des soldes flottants – touchent à leur fin et elles n’auront pas réussi à inverser la tendance baissière de l’année 2014. Si les attentats qui ont secoué la France début janvier ont largement pesé sur la fréquentation, ils n’expliquent pas tout. La généralisation des achats promotionnels tout au long de l’année, la modification des habitudes de consommationavec la recherche de la bonne affaire et le développement des ventes privées concourent à rendre la période des soldes moins attractive qu’auparavant.

Plus globalement, la consommation connaît un net fléchissement en 2014 – notamment dans l’habillement – avec des reculs marqués en octobre et novembre. Les enseignes sont donc à la recherche de leviers permettant à la fois d’enrayer la baisse structurelle de la fréquentation et d’optimiser les marges érodées par les remises promotionnelles.

Dans ce contexte, la stratégie de sourcing constitue un levier très important, non seulement pour maîtriser les coûts d’approvisionnement, mais aussi pour dynamiser l’offre et attirer les consommateurs.

A cela s’ajoute une nouvelle donne, celle du renchérissement du dollar américain face à l’euro de 10 % depuis décembre 2014 (et de 21 % depuis un an), susceptible de provoquer ou d’accélérer des changements dans la façon dont les enseignes s’approvisionnent.

L’impact de la stratégie de sourcing sur la formation de la marge

La stratégie d’approvisionnement des produits – sourcing proche et/ou lointain – a un impact direct sur la construction de la marge. L’un et l’autre comportent des avantages mais aussi des contraintes, qui doivent être analysés en fonction des objectifs à atteindre.

La recherche de prix d’achat au plus bas conduit les enseignes à s’approvisionner dans des pays à bas coût de main d’œuvre (Asie par exemple), souvent très éloignés des bassins de consommation.
Ce sourcing lointain va impliquer des délais d’approvisionnement plus longs. Il faudra donc passer des commandes précoces en s’engageant sur des volumes importants qui, s’ils sont fondés sur des prévisions de ventes les plus fiables possible, comportent toujours un aléa quant à la certitude de les écouler entièrement.

Si le prix d’achat obtenu est souvent plus favorable et la marge brute donc meilleure, la réalité finale peut être moins positive avec soit des risques de rupture de stocks, soit des stocks résiduels trop importants qu’il faudra écouler via des remises additionnelles plus ou moins conséquentes (soldes en point de vente, en « outlet », etc…). En effet, le sourcing lointain comporte des contraintes de rigidité liées aux engagements de volumes qui entraînent une moindre réactivité en cours de saison.

A contrario, un sourcing proche du réseau de points de vente (Europe, Méditerranée) présentera les caractéristiques contraires, à savoir : une plus grande souplesse liée à la possibilité de se réapprovisionner en cours d’année et permettant de réduire le risque de rupture ou de surstock, mais – et c’est la contrepartie – des marges brutes unitaires moins favorables compte tenu des bassins de sourcing.

En résumé, le tableau ci-dessous présente les différents indicateurs de performance qui concourent à la formation de la marge nette.

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De la nécessité de bien modéliser les coûts annexes liés aux différentes voies d’approvisionnement

Avant d’aborder la question du choix du sourcing, un pré-requis consiste à bien traduire comptablement les différentes voies d’approvisionnement qui seront d’autant plus complexes à modéliser qu’elles sont lointaines. En effet, de la qualité de l’estimation des composants de coûts dépend la fiabilité de la prévision du taux de marge brute (ou « taux d’entrée »).

Le prix de revient doit en effet refléter tous les coûts induits par le sourcing des marchandises. Ce prix comprend non seulement le prix d’achat – payé au fournisseur – mais aussi les frais dits annexes ou frais d’approche qui sont des coûts indirects d’acquisition. Ils sont qualifiés d’indirects car ils ne sont pas toujours imputables à un produit donné. Ces coûts indirects d’acquisition comprennent non seulement les droits de douanes, les frais de transports, de relivraisons (du port à entrepôt), mais aussi d’éventuelles pénalités (surestaries…).

Tout l’enjeu consiste à estimer correctement ces coûts en considérant la règlementation douanière, le mode d’acheminement et les coûts des transitaires sur chaque produit acheté, de sorte à disposer d’une marge brute unitaire fiable pour prendre les bonnes décisions. De même, il convient pour chaque composant de coût de retenir le bon « inducteur de coût » (paramètre pertinent pour le calcul des frais de douane, de transport…), ceci afin d’éviter les distorsions et les trop fortes approximations.

Ensuite, il faut définir la maille à laquelle ils sont appliqués sur les produits : le calcul pourra être réalisé au niveau le plus fin (l’article) ou sur un niveau agrégé, comme la famille (chemises, par exemple) ou le département. Le choix du niveau de calcul dépendra de l’importance économique du composant de coûts considéré et de l’effort que l’organisation (ressources métiers et informatiques) est prête à y consacrer.

On relèvera au passage que la problématique de la devise est à considérer sur chacun des postes composant le prix de revient car les prix d’achat, de frais de transport, de droits de douanes ne sont pas réglés dans la même devise (€, USD, CNY chinois…). Il faudra également prendre en compte les instruments de couverture utilisés par la trésorerie pour se prémunir des fluctuations monétaires avec les règles comptables qui en découlent.

De ces principes dépendront la valorisation des marchandises mais aussi la mesure de la performance de la direction des achats ou de la direction commerciale concernée.

Il va de soi qu’un sourcing lointain complexifie le calcul du prix de revient car il met en jeu différents processus et il est exposé à plus d’aléas (opérationnels, monétaires voire géopolitiques). Un sourcing proche est plus facile à appréhender, car la part des frais d’approche est réduite et la devise généralement utilisée est l’euro.

Un supply chain plus sûre, plus agile et plus performante

Ceci étant posé, tout l’enjeu va consister à actionner les différents leviers pour renforcer le trafic, optimiser le taux de transformation (conversion en acte d’achat), mais aussi la marge nette finale obtenue.

La planification économique joue un rôle-clef. Elle consiste à mettre en regard les prévisions de vente avec la planification des approvisionnements. L’analyse de la structure de la collection (produits permanents, saisonniers…) va permettre d’orienter les choix de sourcing qui pourront être variés selon les attributs du produit.

Un produit très pérenne dit « fond de catalogue » ou présentant peu d’incertitude en termes de prévisions pourra avantageusement faire l’objet d’un sourcing lointain. Dans le meilleur des cas, il sera même reconduit d’une saison/année à l’autre.

En revanche, on aura tendance à privilégier un sourcing proche pour un produit plus saisonnier, voire éphémère.

Le double sourcing qui consiste à s’approvisionner auprès de plusieurs fournisseurs permet aussi de répondre à des besoins de sécurisation ou de souplesse des approvisionnements. La planification devra être étendue à l’ensemble de la supply chain afin d’obtenir une marge nette optimisée intégrant la globalité des données : prévisions, achats, informations commerciales (actions promotionnelles, remises, soldes…).

Outre l’optimisation de la marge nette, y compris dépréciation des stocks après écoulement, une stratégie de sourcing bien adaptée peut aussi contribuer à dynamiser l’offre, le trafic et donc le chiffre d’affaires.

Un sourcing proche permet, comme on l’a vu, de se procurer rapidement des produits et donc d’apporter de la nouveauté aux clients, de rendre l’offre plus attractive, de réagir à un comportement imprévu des consommateurs. Le prix de revient et la marge bruteseront certes moins favorables mais les quantités étant plus faibles l’écoulement sera mieux garanti et les remises moindres. Au final, l’offre est dynamisée et la marge nette résultante d’un produit saisonnier ou éphémère n’est donc pas nécessairement moins bonne que celle d’un produit approvisionné en grandes quantités.

Certes, l’idéal est de s’approvisionner à bas prix de façon fiable en quantités optimalespour éviter les remises, mais ceci nécessite une bonne boule de cristal et n’apporte ni la réactivité nécessaire dans un environnement très concurrentiel, ni la capacité de surprendre des consommateurs trop souvent habitués ces derniers temps à acheter uniquement en promotion avec tout le risque de banalisation et de relatif désenchantement que cela représente.



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